dimanche 29 mai 2011

Corvée de déménagement et cadeaux d'anniversaire

J'ai toujours détesté déménager. Et la haine, c'est bien connu, ne doit jamais guider nos vies. Et peut-être pour m'aider à me débarrasser de ce sentiment, pour des raisons professionnelles et/ou personnelles, j'ai dû déménager très souvent, plus d'une dizaine de fois ...
Le déménagement de métropole à Wallis prend tout de suite une autre dimension, en termes d'organisation, de durée, d'ampleur. Au fur et à mesure de mes pérégrinations, j'ai accumulé de plus en plus de meubles, d'habits, d'appareils électroménagers, de babioles diverses et variées. Chaque déménagement devenait un peu plus fastidieux que le précédent. Mais pour organiser celui de Wallis, un élément fondamental change les données : l'administration vous donne une prime de déménagement qui permet d'éviter d'avoir à porter les meubles, réquisitionner votre famille, vos amis. La corvée est d'abord d'ordre administratif. Il faut rechercher des déménageurs (sur Internet en ce qui me concerne), demander des devis, estimer le volume des affaires, noircir un tas de papiers (acceptation du devis, assurance, liste du déménagement, ...). Survient la corvée des cartons. J'ai vendu ou donné à Emmaüs la plupart de mes meubles et appareils électroménagers, préférant racheter sur place. Je suis venu essentiellement avec des livres, des ustensiles de cuisine (je suis un excellent cuisinier...), des habits, une boîte à outils (je suis un excellent bricoleur...), une imprimante, des étagères de bibliothèque, ...

J'ai organisé le départ de mes affaires deux semaines avant mon départ, en espérant que mes affaires arrivent rapidement à Wallis. Mauvaise pioche, j'ai joué de malchance ... Mes affaires se sont retrouvées dans un container en groupage compte tenu du faible volume (environ 5 mètres cube). Au moment du départ, mouvement de grève dans le port d'embarquement ... Le navire qui transportait mes affaires s'est mis enfin en route, il a navigué à travers les océans ... Il paraît qu'en fonction du chemin parcouru et de la météo, l'arrivée peut être plus ou moins différée et dans ce cas encore, mauvaise pioche ... Il m'aura fallu attendre très exactement quatre mois, laps de temps beaucoup plus élevé que pour mes collègues placés dans un cas similaire. A l'arrivée du navire, un transitaire vous contacte et s'occupe à votre place des formalités de dédouanement. Le camion de déménagement a débarqué le 17 mai vers 16 h devant la maison et bientôt place à la dernière corvée ...


Un carton de déménagement ?
Non, un cadeau d'anniversaire ...

J'ai regardé les cartons entassés devant moi, je sentais déjà à quel point l'exercice du déballage, du rangement allait me peser. Tout à coup, je me suis souvenu que le 17 mai, c'est le jour de mon anniversaire. Je venais enfin de recevoir mes livres, j'ai décidé que je venais de recevoir des cadeaux emballés dans des cartons de déménagement.


...Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire à moi...

Déballage du carton romans, classement A - C : Ô quelle surprise, Paul Auster, avec qui j'ai erré dans les rues de New-York, dans une quête métaphysique de mon identité, pour me retrouver perdu au pays des choses dernières, guettant un nouvel envol ; Michel Braudeau, qui a permis l'éclosion en moi des passions adolescentes, pour voguer ensuite dans les labyrinthes de l'amour et de la pensée, tour à tour enfer paradis ; Céline, qui m'a ébloui par son cri poignant, désespéré dans la nuit ; Camus, avec qui j'ai été étranger à moi-même, pour finir par me retrouver apaisé aux portes de la mort ; Chateaubriand, dont j'ai accompagné les pérégrinations, qui a déployé vers le monde entier, malgré lui, la devise "Liberté-Egalité-Fraternité", relisant le présent à la lumière du passé.

...Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire à moi...

Déballage du carton romans, classement  C - G : Quelle belle et délicate attention, Albert Cohen, petit juif séfarade immigré à Marseille, qui a dévoilé pour moi les ruses de l'amour tout en célébrant sa beauté, à la recherche d'une Belle pour l'éternité ; Flaubert, qui m'a fait goûter au café amer, fortifiant de la réalité, de la vérité, qui a parfait mon éducation sentimentale ; Giono, qui m'a enivré d'une joie païenne et sensuelle, au milieu des tragédies du monde ; Garcia Marquez, avec qui j'ai fondé un village en Amérique du Sud, réel et imaginaire, regorgeant de fééries, pour peupler à tout jamais la mémoire des hommes. Gracq, qui m'a emmené voguer près des côtes ennemies, dans le vague pressentiment d'un désastre qui anéantira mon pays.

...Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire à moi...

Déballage du carton romans, classement  H - P : Quel beau cadeau, l'œuvre de William Irish, qui m'a entrainé dans ses nuits noires, au son d'une valse triste d'amours contrariés, à l'affût du temps qui s'écoule trop vite ; James Joyce, qui m'a permis de contempler à Dublin une neige ultime et éternelle tomber, évanescente, sur les vivants et les morts ; Ismaïl Kadaré, qui m'a fait ressentir le poids terrible de l'histoire, qui coupe le mois d'avril en deux ainsi que les têtes, pour terminer sa course dans les songes et les palais ; Le Clézio, qui m'a appris les voies de la révolte, que celles-ci pouvaient mener à un sentiment d'extase sensuelle, dans l'harmonie et l'équilibre à la nature ; Jean d'Ormesson, qui m'a transfiguré en juif errant à travers les siècles, ivre de la magie tragique de la vie ; Proust, avec qui j'ai hésité entre le côté de Méséglise et le côté de Guermantes, avec qui je me suis transformé en observateur acéré des hommes, pour aimer, fuir et retrouver le temps perdu.

...Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire à moi...

Déballage du carton romans, classement  Q - Z : Mon Dieu, je le crois pas, la série complète des racontars arctiques de Jorn Riel, qui m'a entraîné au Groenland, au milieu de gens rudes, poétiques et souriants, dans les paysages glacés du Grand Nord ; Michel Tournier, qui a fait de moi un Vendredi alter ego de Robinson, qui a peuplé ma vie d'ogres et de jumeaux ; Boris Vian, qui m'a offert l'écume qui surnage sur les jours, mousse blanchâtre au goût triste et vivifiant ; Yourcenar, grâce à qui je suis devenu empereur de Rome, médecin-alchimiste, peintre chinois, dans la liberté et la lucidité la plus extrême ; et Zola, marquant à la pointe de sa plume ma conscience de fils d'ouvrier, élevant en moi le sentiment de l'épique, en unissant mon âme à l'âme collective des hommes. 

...Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire à moi...


Déballage du carton de poésie : Cadeaux à profusion, feux d'artifice ... La liste est trop longue et je ne veux surtout pas vous ennuyer... Appollinaire, Aragon, Baudelaire, Dante, Eluard, arrêtons nous à la lettre E...

Le rangement a duré trois jours. N'y voyez aucune forme de paresse, il s'agit de faire durer les grands plaisirs ;-)

2 commentaires:

  1. Eh bien dis donc, tu as été gâté... Bon anniversaire :)
    Isabelle

    RépondreSupprimer
  2. Merci, on est jamais mieux servi que par soi...

    RépondreSupprimer