mardi 29 janvier 2013

Strasbourg-Vienne à vélo : La conquête de Vienne (2)

Florilège des tableaux de Vienne (suite ...)


Rubens – La Petite Pelisse

Rubens, encore, au Kunsthistorisches Museum, autant à l'aise dans un portrait érotique que dans une scène de chasse ou la mort d'un vieil homme. Voici devant vous sa deuxième femme qui pose, Hélène Fourment, qu'il a épousé quelques huit années plus tôt alors qu'elle était âgée de seize ans. Près de trente-sept années les séparent, le peintre deux années avant sa mort en 1640 pose un regard enfiévré d'amour torride, non rassasié sur cette femme, mère de quatre de ses enfants. Portrait qui n'avait sans nul doute aucune vocation à être exposé, vous pénétrez dans le secret intime, dans l'alcôve des époux. Elle semble surprise par un inconnu au pied du lit le matin ou au moment de se coucher, elle serre de la main gauche sa chemise de nuit enroulée en hâte autour de son bras et de sa hanche, elle enfile rapidement le premier vêtement qui soit là ; il s'agit par le plus grand des hasards ... d'une fourrure, objet érotique par excellence, exprimant par sa seule présence l'animalité présente au coeur de l'érotisme ; cette pelisse la recouvre à peine. Elle est surprise mais son geste de pudeur pour couvrir ses seins de sa main droite ne fait que les relever, les offrir davantage à votre vue et celle du peintre-voyeur, anti-Tartuffe par excellence "Couvrez ces seins que je puisse les voir" ;-) 
Rubens exprime un contraste saisissant entre la fourrure noire, crue, figure allégorique du sexe féminin cachée à la vue, le rouge couleur passion du tapis qui révèle la puissance de ses instincts, de sa passion brûlante, dévorante et la délicatesse de la chair blanche, rosée de sa femme, la finesse de la chevelure ondulée d'une blondeur vénitienne entourée de rubans blancs. Toute la scène est baignée d'une lumière intimiste, le corps d'Hélène émerge nettement du fond uni, sombre. Il est difficile de déterminer la signification de son regard : Coquine ? Fière ? Timide ? Confiante ? Il est en tout cas baigné d'une douce lueur.

Comme dans le portrait de la mort de Sénèque, il n'ignore rien de la vérité de la chair, son pinceau est d'un grand réalisme, vous devinez des cuisses amples ainsi qu'un ventre légèrement proéminent marquée par les maternités successives, on entrevoit des  affaissements de la peau autour des côtes, autant d'éléments que l'on ferait disparaître discrètement de nos jours avec un petit logiciel de retouche s'il s'agissait d'une photo. Ces légers défauts par rapport à l'image contemporaine d'une perfection féminine dans la société occidentale ne donnent que plus de valeur au portrait ancré dans une réalité quotidienne, celui d'une femme à la beauté naturelle simplement mis en valeur par quelques objets et le jeu subtil des couleurs. Vous avez surpris le regard fou désirant d'un vieil homme épris de sensualité, de beauté, de vérité sur sa jeune femme aimante, qui le contemple généreusement en retour ; ces regards transcendent la disparition matérielle de leurs corps, traversent à la vitesse du clignement d'un cil les siècles, vous devenez leur complice à travers le mur invincible du temps. Merci à Rubens.



Klimt – Vie et Mort
Je me souviens  avoir été stupéfait devant la beauté de ce tableau de Klimt découvert en 2004, totalement inconnu de moi, même en reproduction. Premier choc, celui des couleurs, des formes avec la silhouette malingre de la Mort plongée dans des teintes obscures, froides, noire et bleue, ornée de formes tels que rectangles et surtout croix en profusion (critique d'une religion chrétienne mortifère?)  tandis qu'en face de lui la Vie déborde d'un enchevêtrement de corps, d'une abondance de chairs, de courbes gracieuses dans une symphonie enchanteresse de couleurs très vives, chaudes tels que l'orange et le rose, que des motifs d'une grande variété verts, bleus, blancs viennent compléter. La Mort est représentée sous la forme traditionnelle du squelette, le crâne humain émerge du costume qui le recouvre, il tient dans les mains une massue avec laquelle il va étourdir les vivants. C'est un cliché que de le représenter sous cette forme, il faut une grande maîtrise pour manier les poncifs dans un chef d'oeuvre, Klimt justement possède cette grande assurance ; il s'agit d'une oeuvre testament qu'il ne cesse de travailler vers la fin de sa vie, il en existe plusieurs versions.
La Mort est dans une attitude figée, son visage aux orbites creuses est le premier point fixe de focalisation de la scène, hypnotisant pour certains, alors qu'un mouvement d'ondes, de corps vibrants parcourt la Vie, bien qu'au centre de celle-ci, deuxième point fixe plus discret, une vieille femme à la coiffe bleue, reflet des couleurs mortelles, et aux traits sévères semble dans une attitude de prière avec les mains jointes, peut-être parce qu'elle se sait au seuil du grand passage. Je voyais la figure de la mère dans cette vieille dame lorsque j'ai vu le tableau une deuxième fois en 2010. Elle est la figure nodale d'une véritable ronde de personnages qui s'organise autour de sa prière muette. "Les Trois Âges de la Vie", titre d'un autre tableau de Klimt beaucoup plus pessimiste,  sont ici représentés puisqu'un enfant de sexe masculin trône au dessus de la femme âgée, que viennent compléter dans un tourbillon érotique, un élan vital les chairs à nu, les figures de six autres femmes et d'un homme musculeux. Les visages de deux personnages sont cachées au bas de la composition ; tous évitent de regarder la Mort sauf, étrangement, une femme en haut à gauche qui le scrute fixement, avec une lueur intense de défi dans les yeux et un sourire voluptueux aux lèvres.
La Vie est un déchaînement de passions, un véritable geyser de couleurs bigarrées, vives, intenses, harmonieuses. La Vie l'emporte car elle occupe la moitié du tableau. Au centre de l'ardeur vitale, le sentiment amoureux est la force organisatrice qui entraîne les êtres humains, avec une place centrale pour les femmes selon Klimt . La clé ultime de ce désir de volupté charnelle, de cette parade d'amour est le désir d'enfantement avec ces deux femmes qui tendent l'enfant à notre regard, qui ont une douceur extatique dans le visage . Nous nous laissons entraîner dans cette course éperdue de l'amour, même si parfois le désir de l'autre peut nous accabler comme semblent l'être les personnages prostrés l'un sur l'autre. La Mort est présente à chacun de nos pas, c'est elle qui donne un sens à notre existence, qui fonde le désir de procréation, du désir de continuité au centre de notre être ; la vieille dame est déjà liée à elle, elle a peut-être déjà été étourdie par sa massue, mais elle a sans doute assuré sa descendance ; Eros et Thanatos représentent les deux pôles ultimes de notre existence comme l'analyse Freud non loin de là à Vienne, mais autant se voiler la face devant le néant, sa contemplation, son attente ne sauraient guider nos existences. N'ayez pas peur de la chair décomposée, de la Mort au crâne blafard, ne vous en préoccupez pas, elle viendra en son heure, inconnue de vous, ouvrez vos yeux devant cette toile, laissez-vous captiver par la beauté vivante, colorée du monde,  par l'éternel ballet du désir humain, source de votre affliction, source de vos battements de coeur effrénés. Et même, osez défier la Mort, souriez-lui sans crainte, séduisez-la, peut-être qu'elle vous sourira en retour ;-)



Schiele – La Famille

Autre gloire du début du vingtième siècle à Vienne à côté de Klimt, Schiele peint ce tableau quelques mois avant sa mort en 1918 en l'intitulant "Couple accroupi". Au cours de la composition, il apprend que sa femme est enceinte, il rajoute la figure de l'enfant à naître entre les jambes de la figure féminine sur la toile. Celui-ci ne verra jamais le jour puisque sa femme Edith meurt de la grippe espagnole qui ravage l'Europe à la fin de la deuxième guerre mondiale et qu'il est lui-même emporté par la maladie trois jours après. Le titre de "La Famille" s'impose lentement pour désigner ce tableau très expressif, qui par son inachèvement même marque l'esprit. Dominant la composition, Schiele se peint en position accroupie avec une jambe gauche qui semble décalée par rapport à une reproduction réelle. Comme d'habitude dans beaucoup de ses portraits, les mains occupent une place primordiale, ici sa main droite est brandie devant son torse comme pour affirmer sa puissance de peintre tandis que sa main gauche tentaculaire repose sur son genou. La femme a une expression triste et abattue, sa tête est tournée dans une autre direction que celle du peintre qui nous fixe droit dans les yeux. L'enfant est une esquisse pâle, embryonnaire, seules émergent véritablement ses mains, échos miniatures, fantasmées de celles du père-peintre ainsi que son visage  avec un regard perdu vers sa gauche, à l'instar de sa mère. L'arrière plan d'une teinte froide où prédomine le brun et vert foncé contribue à détacher la couleur chair des personnages.
La tonalité dominante est donc la tristesse. Toutefois, un tableau s'apprécie aussi dans l'histoire d'un peintre, et Schiele commence à s'extraire de la tourmente, de la violence hallucinée de ses premières toiles. Les femmes y étaient représentées seules, sous des formes minces aux arêtes saillantes, dans des poses suggestives d'une sensualité débridée. Il se représentait aussi dans des autoportraits inquiétants, dérangeants, à la solitude extrême, comme dans un miroir déformant, et l'on sentait un effroi dans son regard, une douleur sauvage, prête à exploser à tout moment. Ici, la chair n'est pas encore apaisée, elle est morne, mais les formes deviennent plus charnues, plus voluptueuses  que quelques années auparavant. La majorité des toiles exposées au Belvédère marque cette progression vers une vision plus sereine du peintre. Le bonheur tranquille conjugal ne semble pas encore le combler, le remplir de joie, mais il n'est plus seul dans les portraits, il est désormais en relation avec le monde aux alentours. Il semble résigné à accepter son sort, il se détache progressivement de la tourmente, du cri de sauvagerie, de révolte de ses débuts, il essaie d'avoir une meilleure prise sur le monde ou peut-être plutôt de lâcher enfin prise, d'échapper à la colère intérieure, à la crispation, à la rage ... Son énergie se canalise, sa peinture y gagne en signification, en profondeur spirituelle.
Comme Klimt, son aîné avec qui il entretiendra une relation de respect, de fascination, de rivalité et d'influence réciproque, il nous suggère aussi que la question de la possible procréation, de l'engendrement est centrale dans la sexualité. La réponse de Schiele est empreinte d'une plus grande mélancolie, de doute mais elle est touchante, elle porte une profonde réflexion sur la paternité, à travers la figure délicate de cet enfant au visage de Pierrot lunaire, aux mains prêtes à perpétuer le désir artistique viscéral de son procréateur, ainsi qu' une méditation par rapport au sens de la Vie, sur les liens hélas trop fragiles entre les êtres voués à la solitude malgré le désir sexuel qui les porte l'un vers l'autre. Vers quels chemins allait-il s'orienter, vers quel pôle de l'existence allait-il se tourner, joie ou tristesse ? Allait-il saisir le monde à bras le corps, l'étreindre avec effusion ou se battre sans cesse contre la société et lui-même ? La Mort, armée de sa massue, allait le frapper, ainsi que sa femme et leur enfant à naître, avant qu'il ne puisse donner une réponse définitive ...
 Apostrophe finale au bonheur
Nous avons continué notre visite dans la Vienne éternelle, nous avons retrouvé la cathédrale Saint Etienne, refait le tour du Ring, admiré à nouveau ses jardins, ses édifices ... Le dernier jour, nous nous sommes rendus dans une serre vivement conseillée dans le guide qui évoquait un royaume féerique. Déception dans la petite Schmetterlinghaus du Burggarten, quelques trop rares espèces de papillons voltigeaient dans l'ambiance étouffante d'une petite serre tropicale.

Papillon dans sa maison
Nous avons roulé de Strasbourg à Vienne, pendant que la Terre poursuivait sa course échevelée dans l'espace. La lumière du jour, miraculeuse, enchanteresse chaque matin nous saluait, chaque soir tirait sa révérence. Nous nous projetions vers l'avant, à la quête de la tanière du Soleil mais les particules lumineuses sans cesse s'évaporaient. Où est, où est le Soleil, me disais-je, affligé, le cœur supplicié, où a-t-il disparu ? Un jour, au milieu de la nuit, à Salzbourg, je m'éveillais, j'ai vu, ce que d'autres simplement ont cru voir, dans une transe mystique, que le Soleil dansait en nous.
Rémy ouvrait, fendait la route devant moi, intrépide, affrontant avec persévérance le vent ou la pluie tenace, Grr Grr Grr l'air craintif s'effaçait devant le colosse ; je prenais place derrière lui, aspiré par la trace rassurante, éblouissante qu'il laissait derrière lui. Nos pieds courraient, glissaient, battaient frénétiquement le long des pédaliers, dans une ronde synchronisée sans cesse renouvelée. Nos pieds tournoyaient à l'infini, s'envolaient comme des ailes ivres dans la beauté des routes tandis que les papillons aux couleurs tranchantes nous accompagnaient. Nos cœurs Tam Tam résonnaient comme des tambours dans la douceur des jours. Parfois j'essayais de le dépasser, je me rapprochais de lui, nos cœurs s'accéléraient, nos souffles s'emmêlaient le temps d'une lutte amicale, il était vainqueur le plus souvent, je le dépassais quelquefois, puis je revenais prendre ma place dévolue dans son ombre. 
Nous avons traversé des voies asphaltés, emprunté des chemins de traverse, dormi dans des champs de blé et des près verdoyants. Tout à coup le Bonheur a filé devant nous ...


Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.

Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.

Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite.
Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.

Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.

Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite.
Sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.

De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite.
De pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.

Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé !

(Paul Fort)

Nous avions tout prévu puisqu'au au lieu de courir, un soir, nous avons rattrapé vers Salzbourg le Bonheur à vélo, Rémy l'a étreint de ses deux mains puissantes, tentaculaires, l'a tendu vers moi, je l'ai assis sur mes genoux. _ Et je l'ai trouvé suave. _ Et je l'ai remercié.

Tout au long du périple, dans les descentes, une légère boule d'angoisse me contractait les muscles, me serrait les dents, me chiffonnait le bas-ventre. Tout mon esprit luttait mais l'idée, lancinante, implacable, inexorable s'immisçait en moi, se déployait dans mon corps, m'intimait l'ordre de ralentir "Et si je tombais, et si je tombais, et si je tombais ?" ...
Rémy m'aurait relevé.


Un ami XXL ;-)

dimanche 20 janvier 2013

Strasbourg-Vienne à vélo : La conquête de Vienne (1)


"Car, s'ils tombent, l'un relève son compagnon; mais malheur à celui
qui est seul et qui tombe, sans avoir un compagnon pour le relever!"
L'Ecclésiaste

Entrée triomphale à Vienne

Nous voici enfin aux portes de Vienne. J'ai des ancêtres ottomans qui campèrent devant cette ville en 1529 et 1683, sièges qui marquèrent l'apogée et le début du déclin de leur avancée sur les terres européennes. Ils voulurent y entrer par la force, avec moult canons, creusement de galeries souterraines, charges de cavalerie effrénées, féroces, marées d'hommes s'emmêlant dans la crainte, l'épouvante au milieu d'explosions de mitraille, de cris de guerre enragés, des percussions des fanfares militaires qui leur semblaient résonner comme leur propre coeur affolé. Fatale erreur ; bien plus malin qu'eux, instruit par l'échec de leur entreprise, je choisis la voie de la joie et de l'amitié, dans la sérénité d'un début d'après-midi ensoleillé. Nous choisîmes une voie située le long du Danube tandis que sur une tour immense, démesurée, un jeune garde du nom de Ludwig scrutait les horizons, veillait à vérifier scrupuleusement les personnes aspirant à s'introduire dans la ville. Ludwig parla en allemand avec un accent autrichien, mon ami lui répondit dans cette langue avec un accent alsacien, ils se comprirent …

Ludwig : Qui va là ? Déclinez votre identité !
Rémy : Salü bisamme, che m'appelle Rémy, che suis alsacien. Kein problem, che suis afec un ami, c'est Erhan.
Ludwig : Si c'est un ami, il peut passer.


A l'énoncé du mot magique de l'amitié, ouvre-toi Sésame, la porte s'entrebâilla devant nous. Dans l'ombre immense de Rémy, je me faufilais dans le ville ...

Le conquérant de Wien

J'étais très fier du chemin accompli. J'arrivais dans la capitale autrichienne avec un sentiment d'orgueil, j'avais réussi à suivre Rémy, à me mettre à son niveau. J'avais l'impression en effectuant ce voyage de Strasbourg à Vienne d'avoir accompli un exploit digne de figurer dans les livres de record, tandis que pour Rémy ce périple n'était qu'une simple routine ; il avait déjà traversé deux continents à vélo, seul le plus souvent, affronté des chemins isolés, quasi impraticables, éloignés de toute civilisation, au milieu de la neige en abondance ou de tourbillons de vents impressionnants. Tout est relatif …

Ce sentiment de fierté se doubla d'un moment de gloire intense confinant au sublime, à l'extase, très peu de temps avant d'arriver en ville. Nous étions encore à une dizaine de kilomètres de la destination finale, Rémy était incapable de s'orienter sur la carte, à déterminer précisément le lieu où nous nous trouvions. Nous nous arrêtons à deux reprises, il cherche vainement la localité de « Klosterneuburg ». Je suis intrigué, il s'agit d'une direction indiqué depuis belle lurette sur des panneaux indicateurs le long de la route cyclable, je doute qu'une ville de cette importance soit absent du plan qu'il consulte. Nous nous arrêtons une troisième fois, Rémy m'assure encore qu'elle n'est pas sur la carte. Je m'empare de celle-ci, je cherche la ville au nord-est (traduction dans ma tête, en haut à gauche, comme Strasbourg en France …) et en quelques secondes, je repère « Klosterneuburg » qui s'étale en caractères de police à peine moins grands que « Wien ». Je pointe du doigt la localité, alors qu'un sourire, quasi impalpable au début, ne cesse de s'élargir sur mon visage. Vexé, il prétend qu'en fait, il recherchait une inscription beaucoup plus petite que celle-ci. Tss Tss Tss, bien tenté, cher ami, mais on me la fait pas … Moi, petite limace incapable de savoir en règle générale s'il faut tourner à droite ou à gauche, je donnais une leçon au grand maître  Il avait un très grave problème d'orientation que moi seul avais été en mesure de résoudre. Sans ma présence d'esprit, ma clairvoyance, nous serions à l'heure actuelle, si je n'avais pas énergiquement pris les affaires en main, toujours à traîner comme des âmes errantes dans les banlieues de Vienne ;-)
Hop, hop, hop, traversée de toute la ville pour aller jusqu'au camping sur lequel nous avions jeté notre dévolu, situé au sud.

Le soir, nous mangeons une pizza acheté dans un snack. Nous prenons place sur une pelouse pour la déguster et au moment de repartir, patatras, je ne retrouve plus mon portefeuille. Je l'avais délesté au maximum avant de partir en voyage, mais il y avait tout de même ma carte d'identité, mon permis de conduire ainsi que quarante euros au moment de la perte. Nous faisons le chemin inverse depuis la pelouse jusqu'au snack, dernier moment où j'ai sorti mon portefeuille pour payer mais rien n'y fait, il est bel et bien perdu. Le lendemain, je suis obligé d'accomplir toutes les formalités administratives avant de commencer la visite de Vienne. Contrariétés pénibles liées à ma distraction habituelle ...

Hélas, mon meilleur ami avait failli à sa tâche de surveillance de mes affaires, je l'avais désigné au départ officiellement comme mon pense-bête ;-) Je m'étais généreusement octroyé le rôle de pense-intelligent ;-)

Enfin commence la principale raison de notre retour à Vienne, l'envie de revoir les magnifiques musées de cette ville. Petit détour par un conte avant de les visiter …


Conte de Mevlana

Un jour, le sultan appela à son palais des peintres, venus, les uns de Chine, les autres de Byzance pour les confronter dans leur art. Les Chinois prétendaient être les meilleurs des artistes ; les Grecs, de leur côté, revendiquaient la supériorité de leur art. Le sultan les chargea de décorer d'une fresque deux murs qui se faisaient face. Un rideau séparait les deux groupes de concurrents, qui peignaient chacun une paroi sans savoir ce que faisaient les autres. Les Chinois employaient toutes sortes de peintures et déployaient de grands efforts, peignaient de magnifiques cascades, des animaux d'une véracité incroyable. Les Grecs refusèrent de montrer leur travail, ils se contentaient de dire au sultan intrigué « Si les Chinois ont terminé leur fresque, nous avons fini la nôtre ». Le sultan au bout de deux années déclara la fin de la compétition et demanda à chacun de dévoiler son œuvre. Lorsque le rideau fut tiré, l’on put admirer l'ouvrage des peintres chinois, toute la cour fut ébahi par la somptueuse fresque chinoise. Puis le rideau s'écarta, les Grecs s'étaient contentait de polir et lisser sans relâche le mur jusqu'à ce que la fresque entière se reflète dans le mur opposé, comme un miroir parfait. Or, tout ce que le sultan avait vu sur le mur des Chinois semblait rehaussé dans celui des Grecs, ils se voyaient marchant, déambulant au milieu de cette toile vivante, reflet triomphant, exact de la vérité du mur opposé et d'eux-mêmes.
Le sultan déclara les Byzantins vainqueurs.

En même temps que je me promenais dans les musées pour revoir les tableaux que j'avais tant apprécié en 2004, je me rappelais les découvrant pour la première fois avec Rémy, Isabelle et Candy. Je me voyais déambulant dans ces salles, j'avais poli mon regard depuis quelques années, mon esprit et mon cœur s'étaient aiguisés au contact d'autres œuvres, de livres ou d'expériences de la vie, j'y ai vu des choses que je n'avais pas perçu la première fois. Je marchais dans mes propres pas, dans mes souvenirs ; à votre tour, accompagnez-moi, donnez-moi la main, côté gauche, côté cœur, montez avec moi les escaliers grandioses du Kunsthistorisches Museum, admirez sa magnifique coupole, entrez au Leopold Museum, attardez-vous un instant dans les jardins du Belvédère avant de contempler ces toiles, écoutez ma voix douce, apaisée, qui vous servira d'audioguide ...


Florilège des tableaux de Vienne

 
Brueghel l'Ancien – Chasseurs dans la neige

Éblouissement dans la salle des tableaux de Brueghel au Kunst dès la première fois. On est immédiatement capté dans cette oeuvre par la difficile avancée de ces chasseurs en haut de la colline, par la lutte qu'ils semblent livrer aux éléments hostiles, la neige, le froid ; quelques bruyères éplorées au premier plan viennent griffer le regard, celui-ci s'élève verticalement le long des arbres, de leurs branches squelettiques puis s'en va se fondre le long d'une ligne transversale vers le ciel surplombant la scène, ainsi que les immenses espaces montagneux enneigés à l'horizon. Le tableau est inondé d'une puissante beauté glaciale, le blanc ainsi que la teinte verte et blafarde du ciel, reflétée dans les lacs gelés en contrebas prédominent dans le paysage, y introduisant ce sentiment de froideur. Le spectateur est absorbé par un sentiment de néant, de vertige hypnotique devant l'infini. Le tableau est sans doute une allégorie de la mort, de l'avancée inexorable des hommes vers le jour final ne laissant que quelques traces éphémères dans la neige, de l'indifférence de la Nature souveraine à notre bref passage sur terre.

La deuxième fois, mon oeil a capté plus attentivement les patineurs s'amusant, glissant sur les grandes étendues d'eau gelé, j'ai perçu cette fois-ci une légère nuance de joie dans leurs jeux, même s'ils ne sont que de frêles esquisses noires ; j'ai décelé un sentiment de solidarité dans la scène de la paysanne semblant entraîner avec l'aide d'une corde une autre dans le coin inférieur gauche. Brueghel est le premier à capter des scènes de vie de paysans ; cette attention au quotidien deviendra l'apanage des peintres hollandais. Le vaste oiseau noir planant dans le ciel s'oppose aux autres immobiles dans les branches des arbres. Et, si la tonalité glaciale l'emporte, les touches de couleur chaude des maisons, du feu allumé par les paysans juste à côté, du pelage des chiens composent un contrepoint fragile, discret qui participent à la beauté parfaitement équilibrée du tableau. Un fil invisible, une vibration secrète relie les hommes aux arbres, au paysage, au ciel pour souligner la profonde unité du monde. Si vision de mort il y a, ce n'est finalement pas celle de l'effroi, c'est celle de la fascination apaisée devant le silence de la Nature somptueuse, éternel vainqueur après notre mort.

Arcimboldo - L'Eau

Arcimboldo, très connu pour ses portraits allégoriques composés de la juxtaposition d'éléments tels que les animaux, les végétaux ou autres objets, est un peintre italien qui se mit au service des Habsbourg, dynastie régnante à Prague et Vienne, ce qui explique la fabuleuse petite collection détenue par le Kunst.

Les tableaux sont des jeux intellectuels plaisants, de loin le visage apparaît sous une forme globale, indistincte, baignant déjà dans un halo d'étrangeté puis lorsqu'on se rapproche, les détails commencent à se préciser, chaque partie acquiert un aspect autonome mais chacun reste indissolublement lié aux éléments voisins car il prend un sens par rapport à l'ensemble. Dans ce portrait de « L'Eau » qui forment la série des quatre éléments avec « L'Air », « La Terre » et « le Feu », il organise le visage à partir des fruits de la pêche et des fonds marins puisqu'on distingue clairement des poissons, des crustacés, des serpents marins et du corail. Il peint avec une minutie incroyable, chaque composant de la toile est reproduit avec une précision scientifique, il travaillait en observant directement les habitants de la mer ; les Habsbourg dépensent une fortune pour les rapporter de Méditerranée et les mettre à disposition dans son atelier.

Arcimboldo est un peintre apprécié des surréalistes, adepte des jeux de mots visuels, des correspondances et associations d'idées. Qu'évoque pour vous le requin ? C'est l'animal carnassier par excellence, roi des mers et océans ; le requin se place naturellement dans la bouche, avec ses dents affûtées. A quoi vous fait penser un coquillage ? Vous vous souvenez du geste que vous effectuiez enfant en le portant à votre oreille pour y entendre le son de la mer ; le voici qui prend donc naturellement la place de cette partie anatomique du visage. Le corail rouge, sans doute des gorgones, sont de longs filaments rouges qui évoque une chevelure ; Arcimboldo les place sur la tête en forme de petite crête à l'avant. Quelle est le premier mot que vous associez à tortue, quel est son point commun avec des crustacés tels que crabe ou langouste ? Carapace … Ces animaux seront disposés en vêtements protecteurs en dessous du cou. S'il vous advient de plonger un jour, que d'aventure une raie passe, vous admirerez, ébahi, ses vastes nageoires qui ressemblent à des ailes. La partie la plus grande de la chair d'un visage ainsi que la plus mobile est la joue ; le peintre se devait d'y dessiner une raie. Les serpents de mer, comme leurs cousins terrestres, peuplent vos peurs, se contorsionnent, ondulent, filent dans vos pensées ; les reptiles se glissent au niveau du cou, comme des muscles mobiles permettant la torsion de la tête.

Fait rare dans les portraits d'Arcimboldo, il s'agit d'un personnage féminin puisqu'elle porte un collier de perles ainsi qu'une boucle d'oreille blanche, mais seuls ces éléments permettent de déterminer le sexe du personnage, qui sans ces ornements pourrait être asexué. Ces parures rappellent la richesse de l'empereur auquel le tableau est dédié. La toile dégage un sentiment de froideur, d'humidité lié aux couleurs employées tels que les différentes nuances de gris et brun, que quelques teintes de rouge viennent relever à l'instar de flaques de sang, comme la langouste sur la poitrine, les gorgones ou la petite crevette derrière l'oreille. L'abondance de ces animaux morts aux yeux pétrifiés qui semblent vous dévisager, vous scruter lorsque vous vous rapprochez conduit à un sentiment de malaise. Ces poissons pour la plupart mythiques, mystérieux peuplent le fond des mers et océans ; le travail d'Arcimboldo, peintre cérébral, est préfigurateur des analyses des profondeurs de l'inconscient des psychologues. En nous palpite une crainte des abysses, des profondeurs infinies de l'océan dont nous sommes originaires et ces regards éteints sont comme des voix qui murmurent en vous la plainte des regrets, immenses gouffres du passé : Pourquoi mes parents se sont-ils séparés ? Pourquoi ai-je renoncé à mes rêves de jeunesse ? Où sont mes amours passées ? Questionnement toujours sans fin, sans repos ...

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samedi 5 janvier 2013

Petits tracas, petits bonheurs d'après cyclone


« Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres »

Lao Tseu
Bzzz Bzzz Vlan

Evan est passé. Contrariété première : l'absence d'électricité. Je rentre du travail, je mange parfois déjà dans la pénombre, le soir commence à tomber. Au début, je ne veux pas user inutilement les piles de la lampe torche et je sais que la lumière d'une bougie est trop faible pour poursuivre une quelconque activité, je me couche vers 19h en espérant que le sommeil vienne rapidement. Espoir vain, peine perdue, je scrute de temps en temps la montre de mon poignet en appuyant sur le petit bouton en haut à gauche, illumination, 20H et quelques éclats, 21 H et des miettes, 22H et des poussières …

Irritation grandissante au cours des premières nuits, un moustique a élu domicile dans ma chambre à coucher ; au bout d'une demi-heure, je l'entends qui commence à vibrionner dans l'espace Bzzz Bzzz … Avant, je pouvais utiliser un insecticide que j'insérais dans un diffuseur branché sur une prise électrique ; au bout de quelques minutes, les bourdonnements s'évanouissaient. Autre méthode, je branchais le ventilateur qui faisait fuir les insectes, qui avait aussi l'avantage de me rafraîchir au cours des nuits chaudes et éprouvantes de l'été austral. Les soirées s'éternisent en l'absence de courant électrique. Parfois, j'entends le moustique qui se rapproche de mon oreille, je le sens qui se pose sur mon visage, je me frappe immédiatement mais rien à faire, je le manque à chaque fois, je n'ai réussi qu'à m'infliger une petite plaque rouge à l'endroit précis de la claque. Le matin, nul besoin de réveil électrique, les premiers rayons de soleil se plantent dans ma chair et mon esprit fatigués, tandis que le moustique, fidèle au rendez-vous, se charge de sonner le clairon à mon oreille.

Après trois jours de ce régime, je vaporise un aérosol anti-insectes volants le matin dans ma chambre, je ferme les fenêtres avant de me rendre au travail. Le soir, une heure avant de me coucher, j'aère ma chambre puis je me couche, légèrement inquiet, l'oreille aux aguets, je n'entends rien pendant une demi-heure, je soupire de soulagement Ouf m'en voilà débarrassé ; tout à coup un Bzzz Bzzz moqueur, vengeur retentit à nouveau dans la pénombre … Peut-être s'est-il introduit depuis une autre pièce, peut-être est-il mort et ressuscité, il continue à me narguer.

Le cinquième jour, je me prépare le matin pour aller travailler, mon cœur tressaille, je vois un petit point noir volant, bourdonnant, à la trajectoire erratique s'approchant à trente centimètres de moi Bzzz Bzzz Vlan je frappe des deux mains, je les ouvre, le moustique gît dans ma paume, j'exulte ...

Pâle lueur des ténèbres

L'absence de lumière me pèse au moment du coucher. Au bout de quelques jours, je rachète des bougies, je décide d'en utiliser une pour pouvoir bénéficier d'un peu de lueur avant le sommeil. J'allume la mèche au moyen d'un briquet, immédiatement la tresse en coton noircit, s'enflamme, se courbe délicatement et commence à diffuser sa pâle lueur. La cire sur l'extrémité devient rapidement liquide sous l'effet de la chaleur, j'en fais tomber quelques gouttes dans le fond du verre, je peux disposer le cylindre sur cette base.

Ma respiration s'apaise à la vue de la flamme, de la lueur douce que dégage la bougie. La cire suinte le long de la tige, parfois accompagné d'un peu de suie, elle vient se déposer au fond du verre. Depuis mon lit, j'entrevois trois zones distinctes enflammées, à la fois clairement délimitées et indissolublement liées. Une petite zone bleue à l'extrémité inférieure de la mèche amorce l'embrasement ; la mèche rougie à l'extrémité baigne dans un cône sombre, tandis que sur celui-ci la pointe jaune, entouré d'un léger halo, diffuse la pâle lueur reposante. La flamme qui ondule légèrement, danse sur la bougie dressée dans ce verre m'évoque les hibiscus ravagés, disparus de mon jardin, grandes fleurs caractéristiques de îles du Pacifique, avec un immense pistil qui jaillit d'un calice aux couleurs chaudes. Les rafales du cyclone ont emporté tous les hibiscus, voilà qu'un ultime rescapé me murmure à l'oreille que toutes nos angoisses sont passagères, que les tracas de la vie n'ont que l'importance que nous leur donnons, que les hibiscus refleuriront d'ici peu de temps, grâce au soleil et à la pluie qui tombent en abondance sur cette terre.


Espérance nocturne

Je ne dors pas encore mais la sérénité se diffuse doucement en moi, tandis que je regarde de temps en temps la source lumineuse. Elle continue à se consumer, au bout d'une heure et demie, elle commence à s'enfoncer dans le verre. Celui-ci s'échauffe, il est temps pour moi de souffler sur la flamme, une fumée sinueuse s'en échappe, l'odeur envahit un moment la chambre dans l'obscurité, je m'endors facilement peu après l'extinction du feu.

Nouveau Big Bang


L'île a été durement touché par Evan mais ce type de difficulté permet d'éprouver la solidarité intacte entre les êtres, l'empathie est aussi naturelle à l'homme que l'esprit de rivalité. Ici, l'entraide est essentiellement familiale, les personnes ayant perdu leur logement sont hébergés par leur famille en attendant la reconstruction de leur logement. L'île a connu un élan de solidarité, de la part en particulier de la Nouvelle Calédonie, en raison sans nul doute de la présence d'une très forte minorité wallisienne sur cette île. Pour nous autres métropolitains, la solidarité s'organise autour des liens d'amitié. Mon ami Anthony avait récupéré un groupe électrogène et m'a proposé de venir chez lui pour profiter du lave-linge. J'avais l'équivalent de trois machines qui s'étaient accumulées en une semaine, j'ai profité de l'aubaine. Au lieu de « laver son linge sale en famille », il vaut mieux parfois laver son linge sale chez les amis ;-)

J'ai bénéficié à nouveau de l'aide d'Anthony lorsqu'il m'a proposé le dimanche d'avant réveillon de Noël de profiter du générateur. L'électricité avait été rétablie chez lui la veille. J'ai immédiatement accepté, et la première chose que j'ai faite est de brancher le réfrigérateur, que j'avais vidé au fur et à mesure de la semaine. J'avais été obligé de jeter quantité de nourritures en décomposition, la mort dans l'âme. Les fromages et le beurre sentaient le lait caillé, les fruits avaient pourri très rapidement, la pizza que j'avais laissé au congélateur était devenue molle et dégageait une odeur infecte. Le groupe, qui fonctionne à l'essence, produisait un bruit tonitruant, je l'ai laissé à l'extérieur de la maison. Tout à coup, vers 16 heures, j'ai vu un groupe de trois ouvriers qui travaillait autour du poteau à partir duquel mon logement est alimenté en électricité.


Profession : électricien-grimpeur

J'ai discuté quelques instants avec eux pendant qu'ils étaient en pleine réparation. Ils m'ont dit qu'il y avait eu un appel à volontaires en Nouvelle Calédonie pour venir travailler sur l'île de Wallis, qu'ils avaient souhaité venir nous aider, autant par souci de solidarité que par curiosité. Ils m'ont expliqué qu'ils trouvaient amusant d'utiliser des techniques qu'ils n'utilisaient plus au quotidien, en raison de la modernisation des outillages. Par exemple, pour grimper sur le poteau en bois, ils avaient été obligés d'utiliser d'anciennes chaussures munies de pointes, en l'absence de nacelles en nombre suffisant sur le territoire. Ils m'ont promis que le courant reviendrait dans la soirée ou le lendemain.

En fin d'après-midi, j'ai fait un petit tour de l'île en vélo. J'avais le souffle court, je n'avais plus fait de sport depuis belle lurette, les quelques nuits au sommeil agité les lendemains du cyclone m'avaient épuisé, j'ai eu du mal à effectuer la montée du mont Afala, seule petite côte un peu raide de l'île que je n'avais aucun problème habituellement à grimper. J'ai dû mettre pied à terre deux fois. Je me suis retourné  à mi-parcours lorsque j'ai été à l'arrêt, j'ai été émerveillé par le lagon, le cyclone avait arraché les arbres qui masquaient la vue ; l'eau verte et bleue aux mille et une nuances chatoyait, les pépites ensoleillées, diamantées se réverbéraient comme une constellation prodigieuse, je ne l'avais jamais vu scintiller d'un tel éclat. Au sommet, j'ai encore mis pied à terre pour  souffler, ma poitrine se soulevait avec difficulté pour aspirer l'air chaud. Au retour, je remarquais la présence à l'horizon d'une dizaine de roussettes brunes, chauves-souris locales comestibles,  qui volaient à très basse altitude. Le passage d'Evan les a profondément perturbées en détruisant leur habitat naturel ainsi que leur régime alimentaire composé de fruits, elles volent en nombre chaque soir, vol inquiet, empli de douleur, elles vont sans doute mourir en grand nombre avant de se régénérer en même temps que la flore arborescente de l'île.
Un peu avant 19 heures, retour de l'enfant prodigue, tant désiré : l'électricité.

Pour le réveillon de Noël, afin de conjurer la peur d'Evan, le méchant, invitation d'Erhan, le gentil, à un fabuleux festin, concocté par Murielle et Catherine : entrées variées au saumon et thon accompagné du cocktail "Cyclone", magret de canard aux deux pommes, plateau de fromages, tarte à l'ananas. Le dîner fut si copieux que nous fûmes incapables de le terminer le soir même, et l'invitation fut prolongé le lendemain pour le repas de midi le jour de Noël.

 Miam Miam
 


Je vous souhaite à tous joie, épanouissement personnel et amour tout au long de cette année 2013. Qu'une petite flamme s'allume chaque jour sur votre chemin, qui s'incarnera dans un rêve accompli, le plaisir de la découverte de nouveaux horizons, une nouvelle amitié ou l'approfondissement d'anciennes, un amour neuf, vierge et vivace ou l'enrichissement de la relation avec votre partenaire.

Mieux encore, désir et volonté mènent, enchantent le monde, allumez les bougies autour de vous. Entamez un projet dans lequel vous mettrez toute votre énergie, commencez de nouvelles activités, lancez vous à la conquête des amis et de l'amour. Certaines bougies s'éteindront par manque de souffle, d'oxygène, mais d'autres s' allumeront autour de vous, vaste incendie autour de la terre : Big Bang ...